De Nazareth à Césarée
Ces longues marches sont vraiment propices aux rencontres de toutes sortes, ainsi qu'aux discussions pour approfondir tous les points de la doctrine du Maître. Maria Valtorta nous révèle alors de nombreuses phrases qu'elle entend prononcées par le Seigneur, et qui constituent autant d'agrapha459 nouveaux. Ainsi par exemple lorsqu'Il explique à Judas : « Quand quelqu'un ne sait aimer qu'un objet et ne sait en aimer aucun autre, même s'il est aimé de l'objet de son amour, il manifeste qu'il n'est pas dans le véritable amour. L'amour parfait aime, avec les degrés qui s'imposent, tout le genre humain, et même les animaux et les végétaux, les étoiles et les eaux, parce qu'il voit tout en Dieu »247.2.
Dans le premier tome de l'Enigme Valtorta, j'ai déjà évoqué la précision des descriptions de ce déplacement de Jésus et des siens, entre Nazareth et Césarée460, du dimanche 18 juin au jeudi 22, et je n'y reviendrai donc pas. A Bethléem de Galilée, Jésus sauve d'une mort certaine le jeune Abel, accusé à tort d'un crime, et pour confondre publiquement les coupables, Il applique le jugement de l'eau d'amertume461. « Ici, il n'y a pas la poussière du Temple, ni son eau, et il n'y a pas de paroles écrites avec de l'encre pour rendre très amère l'eau qui est le jugement pour la jalousie et l'adultère »248.9. Abel devient disciple, et plus tard Jésus lui donnera le nom d'Ananias, sous lequel il est connu des Actes des Apôtres(Actes 9,17-19).
Durant la halte à Sycaminon, Maria Valtorta décrit le site, qu'elle situe à « la pointe extrême de la baie qui s'allonge dans la mer comme un bras recourbé... »250.3. Les détails qu'elle donne sont si précis462 que l'on peut aisément placer Sycaminon sur une carte, justement là où des fouilles menées en 1963-1964, (à 1,3 km au sud ouest du cap du Carmel) en ont prouvé l'existence. A Sycaminon, Jésus ayant retrouvé de nombreux disciples poursuit leur formation. Jean d'Endor, ancien pédagogue, prend des notes qu'il destine à Margziam. Est-ce grâce à ces notes que nous sont parvenus certains de ces enseignements ? Comme par exemple lorsque Jésus leur explique : « Ayez toujours présent à l'esprit que je ne suis pas venu sauver les saints mais les pécheurs. Et vous faites la même chose car le disciple n'est pas au-dessus du Maître463 »250.8. Ils reprennent la route et atteignent Césarée dans la soirée du jeudi 22 juin. C'est là que Jésus aperçoit et recueille Sintica, une esclave grecque en fuite.(Syntyché est évoquée dans Ac 16,27-34). Cette rencontre, fondamentale pour la future communauté chrétienne d'Antioche, comporte quelques éléments à souligner. Synthyché est l'esclave d'un dénommé Valérien, « un noble romain de la suite du Proconsul », connu de Marie-Madeleine qui précise : « C'est un des romains les plus riches et les plus dégoûtants que nous avons ici. Et il est cruel autant que dégoûtant »245.5. Plusieurs indices dans l'œuvre permettent de l'identifier historiquement : c'est Decimus Valerius Asiaticus, originaire comme Pilate de la Gaule narbonnaise. Synthyché confie : « Lui m'a achetée, c'est vrai (...) pour que j'égaie ses heures par la lecture » 245.5. Cette banale indication renferme un indice d'authenticité, puisque toutes les études attestent que durant l'Antiquité la lecture, presqu'exclusivement orale, était confiée aux esclaves ou aux affranchis, chargés de déchiffrer et de lire à haute voix. Et quand, découvrant que Jésus est l'inconnu qu'elle recherche, l'esclave grecque se prosterne en disant « O Dieu inconnu de l'Acropole, salut ! »254.6, cela nous évoque bien entendu l'autel d'Athènes au dieu inconnu464 que mentionne saint Paul (Ac 17, 23).
La présence de Synthyché oblige Jésus à abréger le séjour à Césarée, où il était prévu de faire halte durant le sabbat. Le vendredi matin, Marthe et Marie regagnent Béthanie en char, accompagnée de Synthyché, tandis que Jésus et les siens vont retourner en Galilée en traversant la luxuriante plaine de Saron. Mais les apôtres sont à nouveau de fort méchante humeur, fatigués par un si long voyage qu'ils estiment peu utile. Judas, une fois de plus, est à l'origine de ces disputes, et le sage Simon le zélote lui reproche de ne pas comprendre le Maître : « Comprendre c'est obéir sans discuter parce que l'on est persuadé de la sainteté de Celui qui guide »255.3. Et le bouillant Pierre, qui depuis plusieurs jours s'efforce de rester calme s'emporte lui aussi contre l'Iscariote : « Sais-tu ce que je dois te dire ? C'est toi qui troubles la volonté des autres et les rends indécis. Tu es une cause de séparation et de désordre. Voilà ce que tu es. Et sois-en honteux »255.4. Le ton monte, et Jésus entend ses apôtres se quereller. « Encore une fois dois-je vous dire que les femmes vous sont supérieures ? »255.5. A Judas qui reproche d'avoir accueilli l'esclave : « c'était l'objet du romain et c'est mal de se l'approprier », Jésus rappelle les paroles du Livre : « Tu ne remettras pas à son maître l'esclave qui s'est réfugié près de toi. Il habitera avec toi dans l'endroit qu'il jugera bon, il restera tranquille dans une de tes cités et tu ne lui feras pas de peine465 »255.9. Accueilli par une famille de vignerons qui Lui offre l'hospitalité, Jésus guérit de sa cécité un vieux patriarche, puis Il parle de l'Espérance qui « est placée au milieu entre l'indispensable Foi et la très parfaite Charité, parce que sans l'Espérance il ne peut y avoir de Foi, et sans l'Espérance la Charité meurt »256.6.