Seconde année de vie publique

La rencontre avec la samaritaine

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Pendant que le groupe chemine vers Arimathie, Pierre se préoccupe de la présence parmi eux de Joseph, le paria d'Israël recueilli par Jésus à Emmaüs. Patiemment Jésus reprend son apôtre : « Et alors, par peur d'être troublés, on devrait laisser un fils d'Abraham aux prises avec la désolation ? »141.1. Puis Il ajoute : « Un jour, il y a plusieurs mois, Moi, je t'ai dit : "Il en viendra beaucoup d'autres"330. Le champ est vaste, très vaste. Les travailleurs seront toujours insuffisants pour son étendue... »141.1. Il y aura bien d'autres occasions où Jésus évoquera à nouveau la moisson abondante et les ouvriers trop peu nombreux (Selon Mt 9, 37-38 et Lc 10, 2).

Le mardi 4 janvier 28, revenant tous du détour par Arimathie, où Jésus a confié le nouveau disciple Joseph aux bons soins d'Isaac, ils arrivent vers midi à proximité de Sychar. Jésus ordonne une halte. « Je m'arrête ici. Allez en ville.Achetez tout ce qu'il faut pour le repas. Nous mangerons ici »143.1. Jean dans son évangile précise : « il lui fallait traverser la Samarie » et « fatigué du voyage » (Jn 4, 3-6). Les commentateurs s'interrogent sur les nécessités de ce détour et sur cette fatigue331. Ici tout est lumineusement clair : la fatigue, car ils viennent de parcourir quatre vingt cinq kilomètres en deux jours et demi, depuis leur départ d'Emmaüs ; et le détour, car Jésus veut passer dire adieu à Jean Baptiste à Enon, avant de regagner la Galilée. Venant d'Arimathie et allant à Enon, il leur faut nécessairement traverser la Samarie.

Le récit par Maria Valtorta de la rencontre avec la samaritaine est bien entendu en tout point conforme au récit de Jean (Jn 4, 7-26). Mais le dialogue semble nous être restitué ici dans sa pureté originelle. Ainsi par exemple lorsque Jean écrit sobrement : « Donne-moi à boire », le témoignage de Maria Valtorta paraît plus chaleureux, comme pris sur le vif : « La paix soit avec toi, femme. Me donnes-tu à boire ? J'ai beaucoup marché et j'ai soif »143.2. On pourrait faire le même constat pour tous les échanges de cette longue conversation. Nul doute qu'une étude exégétique approfondie en serait des plus fructueuses. Maria Valtorta nous confirme aussi que la samaritaine se prénomme Photine, nom sous lequel elle est effectivement vénérée depuis les premiers siècles par la tradition orthodoxe.

Il est un autre passage sur lequel nous pouvons nous attarder un peu, car il posa problème à bien des exégètes, comme en témoigne saint Thomas d'Aquin dans son Commentaire de l'évangile de saint Jean. Jean écrit : « Ne dites-vous pas, vous : encore quatre mois, et la moisson vient ? Voici que je vous dis : levez les yeux et voyez les campagnes ; elles sont blanches pour la moisson » (Jean 4, 35). Certains commentateurs en déduisent que la scène se déroule en mai, d'autres qu'il faut la lire dans un sens uniquement allégorique... Pourtant, en lisant Maria Valtorta, son sens paraît couler de source : « Regardez ces champs sous le gai soleil de la sixième heure. Il y a seulement un mois, et même moins, la terre était nue, sombre parce que les pluies l'avaient battue. Maintenant, regardez. Des tiges innombrables de blé, qui viennent de percer, d'un vert très tendre qui dans cette grande lumière semble encore plus clair, la couvrent, pour ainsi dire, d'un voile léger presque blanc. C'est la moisson future et vous dites en la voyant : "Dans quatre mois, c'est la récolte" ». Comme si souvent (et il y en a plusieurs centaines d'exemples dans l'œuvre !), Jésus décrit la nature qui l'entoure, ou un événement qui vient de se produire et, partant de ces éléments concrets, Il s'en sert pour transmettre son message divin.

L'accueil des habitants de Sychar est chaleureux, comme en témoigne Jean (Jn 4,39-42). Jésus et les siens vont passer la nuit là, après cette longue et fatigante marche depuis Arimathie. Ils repartiront le surlendemain, en fin de matinée... Les samaritains sont séparés du Dieu d'Israël, et c'est leur tourment : « Nos pères ont péché. Dès lors les âmes de Samarie sont odieuses à Dieu »144.4. Mais Jésus les réconforte, citant le prophète Ezéchiel (Ez 18,23 et 33,11), et en particulier « Je ne veux pas la mort du pécheur, mais qu'il se convertisse et ait la Vie »144.4.Cette parole du Seigneur ne figure pas comme telle dans le nouveau Testament. Pourtant saint Clément332 déclare que Jésus a dit : « Je ne veux pas la mort du pécheur, mais le repentir ». Et se pourrait-il que Pierre se soit remémoré cet enseignement lorsqu'il écrivit : « Le Seigneur... patiente envers vous, voulant non que certains périssent, mais que tous arrivent au repentir » (2 P 3,9) ?

Notes de bas de page

330
C'était effectivement en mai 27, voir MV 58.4/5.

331
Un célèbre bibliste, le P. Lagrange, remarqua : « Une raison inconnue le poussa à passer par le cœur du pays».

332
Saint Clément dans son Epître aux corinthiens§2 cite cet agraphondu Seigneur.

📚 Source : L'énigme Valtorta par Jean-François LavèreTome 1Tome 2