« Et le troisième jour », les noces de Cana
Jean (Jn 2,1) commence son récit des noces par Et le troisième jour, expression un peu énigmatique qui a toujours troublé les exégètes. Selon le récit qui nous est donné ici, il semble que l'apôtre Jean aurait fait référence au temps écoulé depuis la première rencontre avec Pierre (Jn 1,40-42).
La vision des noces de Cana, le 16 janvier 1944 est une des toutes premières visions reçues par Maria Valtorta. Elle hésite naturellement à identifier les différents protagonistes. Mais il est tout à fait remarquable que ses descriptions de la flore s'intègrent parfaitement dans la chronologie en ce lundi 15 mars 27. « La saison me parait printanière car l'herbe des prés n'est pas brûlée (...) les blés sont en herbe, sans épis, tout verts. Les feuilles du figuier et du pommier sont vertes et encore tendres mais je ne vois pas de fleurs sur le pommier et je ne vois pas de fruits, ni sur le pommier ni sur le figuier ni sur la vigne... »52.2.
Lorsque Jésus approche de Cana, Il est seulement accompagné de « ses deux compagnons » : Jean et le cousin Jude. Le frère de ce dernier, Jacques d'Alphée, est sans doute présent à Cana, ainsi que les autres cousins, mais à cette date, Maria Valtorta ne les a encore jamais vu, et ne les reconnaît pas. La plupart des commentateurs, interprétant Jean « Jésus fut invité à la noce, ainsi que ses disciples » (Jn 2,2) en déduisent que les cinq précédemment nommés dans l'évangile de Jean étaient sans doute présents eux aussi. Pour Maria Valtorta, ce n'est pas le cas, mais sa version ne contredit pas pour autant l'évangile. D'ailleurs la suite de son évocation, fidèle à l'évangile, reste sobre et contraste sensiblement avec les récits enluminés transmis par Marie d'Agreda ou Catherine Emmerich.
Dans une dictée du 17 janvier 1947, Jésus commente longuement son premier miracle. « Les noces de Cana. Depuis vingt siècles elles servent de point de départ aux maîtres spirituels pour prêcher sur la sainteté du mariage vécu avec la grâce de Dieu, mais aussi sur la puissance des prières de Marie, sur son enseignement, sur l'obéissance ("Faites tout ce qu'il vous dira"), ou encore sur ma puissance qui change l'eau en vin, et ainsi de suite. Aucun de ces fruits tirés de ce passage évangélique n'est erroné. Mais ce ne sont pas les seuls que cet épisode comporte et que vous pouvez en retirer ». L'exégèse divine se prolonge sur plusieurs pages qui méritent bien entendu d'être lues in-extenso. Il n'est possible ici d'en donner qu'un bref aperçu.
Jésus revient sur « les trois jours » de saint Jean, qu'Il place dans un contexte eschatologique : « Trois jours plus tard, il y eut un banquet." Trois jours : trois époques avant le festin de joie. La première va de la création du monde à la punition du déluge ; la seconde, du déluge à la mort de Moïse. La troisième de Josué - l'une de mes figures - à ma venue. Et encore trois époques, ou trois jours : les trois années de ma prédication avant le banquet pascal ».
La présence de Marie à ces noces, parfaitement naturelle en raison de ses liens de parenté avec la famille de l'époux, a également une signification surnaturelle qui s'impose dans le plan divin du Salut. « "La Mère de Jésus était là." La Mère ! Pouvait-elle être absente là où l'homme nouveau devait être enfanté ? Eve pouvait-elle ne pas être là si dorénavant la "Vie" devait prendre la place de la Mort ? La Femme peut-elle faire défaut quand s'approche l'heure où le Serpent aura la tête écrasée et où des limites seront posées à sa liberté d'action ? Impossible ! La Mère des vivants, l'Eve sans tache, la Femme du "Je vous salue Marie" et du "Qu'il me soit fait selon ta parole", la Femme au talon puissant, la Co-rédemptrice est donc présente au banquet où l'union de l'humanité et de la grâce est inaugurée ».
« Les noces de Cana voient la transformation de l'eau en vin. La Cène de Pâques, la transsubstantiation du pain et du vin en mon Corps et mon Sang. La première marque le début de ma mission de transformation des juifs de l'Antiquité en disciples du Christ. La seconde marque le début de la transsubstantiation des hommes en enfants de Dieu par la grâce qui revit en eux. C'est le dernier miracle de l'Homme-Dieu, le premier et perpétuel miracle de l'Amour humanisé. Voilà, (...) l'une des applications - et c'est la plus élevée - du miracle des noces de Cana ».
A la suite de la vision des noces, Jésus dicte un commentaire sur la traduction commune de Jean : « Femme, qu'y a-t-il entre moi et toi ? » (Jn 2,4). Pour le Christ, cette traduction ne permet plus d'interpréter le sens exact des paroles qu'Il prononça alors. «"Qu'y a-t-il désormais entre Moi et Toi ?". J'étais d'abord tien, uniquement tien. Tu me commandais, Je t'obéissais. Je t'étais "soumis". Maintenant, j'appartiens à ma mission. (...) Ce "désormais", oublié par plusieurs, voulait dire ceci : "Tu m'as été tout, ô Mère tant que je fus le Jésus de Marie de Nazareth et tu m'es tout en mon esprit mais, depuis que je suis le Messie attendu, j'appartiens à mon Père. Attends encore un peu et ma mission terminée, je serai de nouveau tout à toi. (...) Mais maintenant, j'appartiens à tous ces hommes et j'appartiens au Père qui m'a envoyé vers eux". Voilà ce que veut dire ce petit "désormais", si chargé de signification »52.7. Quelques jours plus tard, André interroge le maître : « Jean m'a raconté le miracle que tu as fait à Cana… Nous espérions tant que tu en fasses un à Capharnaüm (...). Pourquoi alors, à Cana ? Pourquoi là et pas dans ta patrie ? ». « Cana c'était la joie qu'il fallait donner à ma Mère. Cana c'est un acompte de ce qui est dû à ma Mère. C'est Elle qui la première a apporté la Grâce. (...) A Cana, je devais l'honneur à la Sainte de Dieu, à la Toute Sainte. C'est par Elle que le monde m'a eu. Il est juste que ce soit à Elle qu'aille mon premier prodige en ce monde »54.7.
Bien d'autres commentaires de l'évangile de Jean sont donnés par le Seigneur à Maria Valtorta, à propos de cette première manifestation publique de sa divinité. Tous soutiennent aisément la comparaison avec ceux des Pères272, et s'ils étaient les simples fruits de l'inspiration de la mystique italienne, elle aurait dès lors certainement sa place parmi les grands théologiens.