De Pella à Rama
Ils partent en début de matinée, et ont environ vingt-quatre kilomètres à parcourir pour atteindre Pella, soit six bonnes heures de marche, puis encore huit kilomètres pour atteindre Jabes-Galaad, le terme de cette longue étape. Il est aisé de comprendre pourquoi Jésus recommande aux apôtres en partant : « hâtez le pas »357.12. Au hasard du chemin, une conversation retient notre attention : « C'est un voleur qui pendant des années a volé et tué, en descendant des monts de Caracamoab et de Séla, cette dernière appelée Pétra par les troupes d'occupation »358.2. Difficile d'envisager que Maria Valtorta ait pu imaginer ce dialogue de sa propre initiative : Kerakkamoab, l'ancienne désignation de Kerak, n'était connue que de quelques rares spécialistes en 1945 ; et à cette date la théorie suivant laquelle Pétra pouvait être la Séla biblique était encore bien loin de faire l'unanimité !
A Pella, Jésus est abordé par la mère de Marc, le possédé de Gerasa. Son fils, scandalisé par le discours sur le Pain de Vie, précède Jésus sur la route de Jérusalem, en lui faisant tort. Jésus réconforte la pauvre mère, et lui promet la reconversion future de son fils, mais après la Passion. Elle déconseille à Jésus de parler aux habitants de Pella : « Je parlerai par une action. Et elle suffira pour anéantir le travail des autres »358.8. En effet, Jésus y guérit de leur cécité le jeune Jaïa et sa mère. Il demande simplement au jeune aveugle miraculé : « Toi, parle de Moi à Pella dont la foi vacille. Va ! Dieu est avec toi »358.10. C'est sous une pluie battante qu'ils atteignent en soirée Jabès-Galaad. Aucun des habitants ne leur offre un abri, et le moral des apôtres est à nouveau au plus bas. Seul le toujours jovial Thomas plaisante encore : « Hum ! je ne voudrais pas qu'après des siècles ce pays se venge sur nous de la vilaine surprise qui lui est venue d'Israël598 ! »359.1. Mais plusieurs de ses compagnons maugréent : « Et nous sommes trempés, gelés, affamés ». « Et la nuit vient. Nous serons bien demain matin après une nuit passée dans le bois ! »359.2. Et jusqu'à Judas qui se fait tentateur auprès de Jésus : « Pourquoi ne fais-tu pas un miracle, au moins un miracle pour tes apôtres ? Tu en fais même pour les indignes599 ! »359.2. Finalement Jean, en grimpant sur un arbre, aperçoit une pauvre masure isolée. Le vieux Matthias qui y vit seul, se montre très hospitalier. Tous vont pouvoir passer la nuit au sec et se réchauffer auprès d'un bon feu.
Le mardi 27 février au réveil, le temps est toujours aussi exécrable. Matthias arrive sans peine à les convaincre de retarder leur départ. Les habitants de Pella et de Jabès, maintenant informés du miracle accompli par Jésus viennent Le supplier de revenir chez eux. Mais Jésus, qui va bientôt commencer la dernière année de son séjour terrestre, ne peut changer son programme. « Jusqu'à présent je suis resté pour essayer de les convertir. Maintenant je viens et je passe, sans m'arrêter. Je vais vers mon destin qui me presse. Dieu et l'homme m'éperonnent... L'amour m'aiguillonne et la haine m'aiguillonne »359.9.
Lors de sa vision suivante, Maria Valtorta les voit le jeudi 1er mars, une cinquantaine de kilomètres plus au sud, « entre les deux derniers torrents (...) dans ce trapèze formé par les trois cours d'eau600 en crue »360.1. L'humeur des apôtres est encore plus morose que le temps, et Judas ne manque aucune occasion de mettre la patience de ses compagnons à rude épreuve. Mais Pierre relativise ce mauvais temps : « Lune de Nisan601, c'est de la pluie qui descend à pleins boisseaux »360.2. Ils atteignent un torrent mais il est en crue et la traversée est impraticable. Ils doivent rebrousser chemin comme le leur conseille un passant : « Quand tu vas trouver le troisième cours d'eau après le Yaloc602. Alors tu seras près du gué. Mais fais vite, ne t'arrête pas car le fleuve monte d'heure en heure »360.3. Jésus décide de suivre ce conseil : « Allons vers les montagnes comme il l'a conseillé. Nous perdrons un jour, mais vous sortirez du marécage »360.4. Ils ont à peine le temps d'atteindre les premières pentes, pour trouver refuge dans une grotte alors que déjà la nuit tombe rapidement.
Ils repartent à l'aube, et croisent sur leur chemin une lépreuse à demi mourante. Il s'avère que la malheureuse n'est pas vraiment lépreuse, mais qu'elle a été chassée comme telle par son mari, un notable de Jéricho. Le Seigneur la guérit en disant : « Redeviens la Rose de Jéricho qui fleurit dans le désert et qui vit toujours même si elle paraît morte. Ta foi t'a guérie »360.14. Lorsque Anastasica603 la miraculée (on apprend son nom en MV 365.10) les a quitté pour aller se purifier selon la loi, accompagnée un temps par Simon le zélote, les apôtres interrogent : « Mais qu'avait-elle, Maître ? Tu as vu la plaie ? » « Oui. Le fruit de la luxure d'un homme. Mais elle n'était pas lépreuse, et si l'homme avait été honnête, il ne l'aurait pas chassée, car il était plus malade qu'elle »360.15.
C'est seulement à la nuit tombante, le mardi 6 mars604 qu'ils arrivent enfin en vue du gué du Jourdain. Car depuis le sabbat, les villageois de la région, sans doute informés des miracles accomplis, ont retenu ça et là Jésus et ses apôtres pour obtenir la guérison de tous leurs malades. Ils cherchent en vain une barque pour traverser. Dans la pénombre Jésus aperçoit Marie Madeleine, qui vient de traverser le gué à cheval, au péril de sa vie. Elle a appris qu'un complot se trame contre Jésus, et le supplie de rebrousser chemin. « Éloigne-toi… éloigne-toi tout de suite, Maître. S'il savent que tu es ici, au-delà du Jourdain, ils vont y venir. Et Hérode aussi te cherche… »361.9. Jésus la rassure : « Ne crains pas. Ils ne me prendront pas encore. Ce n'est pas mon heure. Même s'ils mettaient des troupes et des troupes de soldats le long de tous les chemins, ils ne me prendraient pas. Ce n'est pas mon heure605. Mais je ferai comme tu veux. Je reviendrai en arrière… »361.9.
Voici donc un nouveau contre temps dans ce voyage mouvementé. Décision est prise de rentrer en Galilée. Marie Madeleine préviendra les femmes disciples de retourner à Cana, où tous se regrouperont. Sans plus attendre ils reprennent la route en sens inverse, et marchent de nuit, jusqu'à ce qu'ils trouvent au petit matin un passeur pour les faire traverser. La manœuvre s'avère périlleuse car le Jourdain est en crue. Mais Jésus renouvelle le miracle de Josué606, en ralentissant le courant durant la traversée. Ils sont maintenant à environ vingt kilomètres de Jéricho, « Entre Silo et Béthel »362.1 indique Thomas, qui connaît bien cette région proche de Rama. Les jérémiades reprennent lorsque Jésus, comme Il l'a décidé la veille, reprend sa marche vers le nord. Les apôtres craignent de ne pouvoir revenir à Jérusalem avant la Pâque607. Mais contre toute attente, en cours de journée ils sont rattrapés par le char de Jeanne de Chouza. Manaën, qui accomplit scrupuleusement la mission confiée par Jésus, tient immédiatement à rassurer le Maître : « Nous t'avons obéi parce qu'il faut obéir, mais crois bien qu'il n'y a rien de préoccupant. Je sais de source certaine que Pilate a rappelé à l'ordre ceux qui mettent le trouble, en disant que quiconque créerait des troubles pendant ces jours de fête serait durement puni. Je crois que la femme de Pilate608
n'est pas étrangère à cette protection et encore moins ses amies »362.6. Jeanne elle-même, bien informée par son mari de ce qui se passe à la cour d'Hérode, confirme que le danger est écarté. « Alors retournons à Jérusalem ! Vous pouvez aller en toute sécurité. Allons ! »362.7 décide immédiatement Jésus.