L'adieu à Antioche
Le soleil est déjà bas sur l'horizon, en cette fin de sabbat. C'est bientôt l'heure de la douloureuse séparation. L'intendant Philippe demande aux apôtres de parler à tout le monde. Pendant toute la semaine, Pierre a pu constater que même à Antioche, certains rabbis parlent avec mépris du Maître. Il déclare donc : « Mais être savants ne signifie pas être saints ni posséder la Vérité. La Vérité, la voilà : Jésus de Nazareth est le Messie promis, le Sauveur de qui parlent les Prophètes »324.1. Il appuie sa profession de foi par le témoignage de Jean Baptiste, « et ici sont présents ceux qui ont entendu ces paroles : "Voici l'Agneau de Dieu qui enlève les péchés du monde" »324.1. Pierre donne ensuite la parole à Simon le zélote qui commente le chapitre 52 d'Isaïe. Jacques lui succède, frère du Seigneur selon la chair, mais qui explique aussitôt « la paternité de Joseph, le frère de mon père, ne fut qu'une paternité spirituelle et, en vérité, je vous dis que le vrai Père de Jésus, notre Maître, c'est le Très-Haut que nous adorons »324.3. Chaque apôtre témoigne ainsi à tour de rôle de sa foi profonde en Jésus, le Messie d'Israël. André, lui, se souvient de sa première rencontre avec Jésus, au gué du Jourdain. « C'était un jour de cette lune544… » précise-t-il. En tendant l'oreille, il a entendu quelques bribes de la conversation de Jésus et du Baptiste : « "C'est moi qui devrais être baptisé par Toi…" ; "Laisse faire maintenant, il convient d'accomplir toute justice"545… »324.4. Matthieu, lui, se remémore l'inconnu qui vint à Capharnaüm « il y a deux printemps »324.5 et qui « parlait familièrement sur la charité qui est comme une indulgence pour nos péchés »324.5. Ce souvenir de Matthieu évoque irrésistiblement un agraphon du Seigneur rapportée par Clément d'Alexandrie546 : « L'amour couvre une multitude de pêchés ». Jacques de Zébédée, présent lui aussi aux côtés d'André et de son frère Jean, lors du baptême de Jésus, témoigne qu'il attendit « des dizaines de jours » le retour du Seigneur, après sa première manifestation547. Jude à son tour proclame sa foi : « Lui est le Saint. Je peux le dire, moi qui, avec Jacques, ai grandi avec Lui. Et je le dis et le dirai, tout disposé à donner ma vie pour le reconnaître, pour que les hommes croient en Lui et aient la Vie éternelle »324.7. Et Jean conclut cette magnifique profession de foi des apôtres : « Qu'est-ce que le Sauveur ? C'est la Lumière fondue avec l'Amour. La bouche de mes frères a magnifié les louanges du Seigneur, évoqué ses œuvres, indiqué les vertus à pratiquer pour arriver à son chemin. Moi, je vous dis : aimez »324.8. L'heure du départ est venue. C'est le cœur déchiré que les apôtres se résignent à faire leurs adieux aux deux disciples exilés.
Tandis que leur char s'éloigne, dans un dernier gémissement, Synthyché leur crie : « Adieu ! Adieu ! Oh ! nous ne les reverrons plus ! Adieu, frères ! Adieu… »324.11.