Le choix d'un époux pour Marie, l'orpheline héritière
Ses parents décédèrent donc pendant que Marie était encore au Temple. A la fin de l'automne de l'an -7, Marie vient d'avoir quatorze ans106. Le Grand-Prêtre la convoque. « … n'es-tu pas la petite qui, il y a maintenant douze hivers, est venue me demander d'entrer ? » lui demande-t-il. En effet, à cette date, Siméon Boéthos est encore en poste, mais pour fort peu de temps107. Et il ajoute « Tu n'es plus une fillette désormais, mais une femme. Et chaque femme en Israël doit être épouse pour porter son fils au Seigneur.Tu suivras le commandement de la Loi. Ne crains pas, ne rougis pas. J'ai présent à l'esprit ta descendance royale. Déjà te protège la Loi qui ordonne qu'à chaque homme soit donné une femme de sa race »11.3. En fait, les mariages hors de la tribu quoique rares, restaient licites, du moins s'agissant de la tribu sacerdotale de Lévi. La bible donne l'exemple d'Aaron, le frère de Moïse, qui était marié à une fille de la maison de Juda(Ex 6,23). Rien ne s'oppose donc par exemple à ce que Joachim de David par Nathan, ait épousé Anne de Lévi par Aaron. C'est d'ailleurs en se référant à la légalité des mariages hors de la tribu que plusieurs biblistes ont cru pouvoir affirmer que seul Joseph était de la maison de David, et non Marie. Mais nous allons voir bientôt qu'en ce qui concerne Marie, l'affirmation du Grand-Prêtre se trouve pleinement justifiée...
Maria Valtorta remarque : « Marie lève un visage tout rouge de pudeur » ce qui est tout à fait conforme au témoignage de saint Ambroise selon lequel la Vierge Marie était timide et rougissait aisément108. Répondant aux interrogations du Grand-Prêtre, Marie lui expose avec sincérité son désir de virginité perpétuelle, puis elle conclut : « Maintenant j'obéis, Prêtre. Mais dis-moi comment je dois agir… Je n'ai plus ni père, ni mère. Toi, sois mon guide »11.5. Cette humble requête apporte une justification, semble-t-il inédite, aux traditions qui font du Grand-Prêtre l'organisateur du mariage de la Sainte Vierge. En effet un commentaire assez peu évoqué de la Loi précise : « Celui qui garde un orphelin dans sa maison est considéré comme le père de l'orphelin » (Talmud, Sanhedrin 19b).
C'est dont légalement et tout naturellement le Grand-Prêtre qui doit prendre en charge les préparatifs. Il convoque tous les prétendants possibles de la tribu de David pour la fête de la Dédicace, qui aura lieu dans un mois environ. Nous retrouvons dans le récit de Maria Valtorta la trame générale transmise par la tradition. Mais les détails originaux que comporte son texte empruntent d'avantage au récit historique qu'à la pieuse légende. Renouvelant donc l'antique épreuve du bâton d'Aaron (Nb 17, 16-20),le Grand-Prêtre demande à chaque prétendant d'apporter une branche d'amandier109. Entouré de nombreux témoins, le pontife leur annonce le miracle110 : « Il a fleuri miraculeusement, alors qu'aucun rameau sur la terre n'est fleuri en ce moment, dernier jour de l'Encénie, bien que la neige tombée ne soit pas encore disparue sur les hauteurs de Juda »12.4. Ceci permet de dater avec précision cette cérémonie au 24 décembre -7 (julien)111. Quand ensuite « Joseph de Jacob112, de Bethléem de la tribu de David, charpentier à Nazareth de Galilée »12.4, l'heureux élu, dit à Marie : « En ce moment les jours allongent »12.6, c'est absolument exact puisque la veille, 23 décembre -7, c'était le solstice d'hiver ! Comment Maria Valtorta aurait-elle pu inventer cela ?
Le Grand-Prêtre bénit les futurs époux : « que le Seigneur vous garde et vous bénisse, qu'Il vous montre sa face et ait pitié de vous, toujours. Qu'Il tourne vers vous son visage et vous donne la paix113»12.5. Incidemment Maria Valtorta nous apprend que Joseph « est sur les trente ans114 »12.2. Laissés seuls, les promis font rapidement connaissance. Joseph explique à Marie qu'il était l'ami de Joachim et Anne et qu'il les assista dans leurs derniers jours. Il lui donne aussi quelques nouvelles de la parenté. Puis il lui confie « je suis naziréen115et j'ai obéi à la convocation parce qu'elle émanait du Prêtre, non par désir du mariage »12.6. Il s'ensuit un très émouvant dialogue qui nous éclaire sur la chasteté des parents du Sauveur. Marie avoue à Joseph : « je me suis consacrée au Seigneur. Je sais que cela ne se fait pas en Israël116... »12.7. Joseph décide spontanément : « Moi aussi, j'unirai mon sacrifice au tien et par notre chasteté nous témoignerons tant d'amour à l'Éternel, tant d'amour que Lui donnera plus tôt le Sauveur à toute la terre117 »12.7. Enfin il promet de remettre la maison de Nazareth en état, avant que Marie ne vienne y vivre, quand viendra le printemps.
Avant de clore ce chapitre, il nous reste encore à déterminer pourquoi le Grand Prêtre devait impérativement chercher pour Marie un époux dans la lignée de David ? Comme c'est si souvent le cas avec le texte de Maria Valtorta, l'explication décisive nous est fournie incidemment, beaucoup plus loin dans l'œuvre. Il faut se reporter au cours de la première année de la vie publique, en l'an 27. Alphée, l'oncle de Jésus est gravement malade. Aîné et chef de la famille, il n'a jamais vraiment admis le mariage de son cadet Joseph, et il ronchonne : « Ah ! malheur sur nous à partir du jour où mon faible frère s'est laissé unir à cette femme insipide et pourtant autoritaire, et qui a eu tout pouvoir sur lui. Je l'avais dit alors : Joseph n'est pas pour les noces. (...) Malédiction à la loi de l'orpheline héritière !... »100.5. La voici, la raison tant recherchée : en effet la loi établie par Moïse était formelle. « Si un homme meurt sans fils, c'est sa fille qui devient l'héritière »(Nombres 27, 8). Mais alors, et alors seulement, un autre article de la Loi spécifie que la fille doit impérativement se marier dans son propre clan, pour y maintenir le patrimoine(Nombres 36, 6-8). Le Grand-Prêtre ne pouvait l'ignorer.
Marie, la vierge davidique, orpheline héritière, ne pouvait donc épouser qu'un descendant de David ! Maria Valtorta fournit ainsi un argument convaincant mais peut-être un peu oublié de nos jours, de cette filiation davidique de Marie, en mentionnant la loi de l'orpheline héritière.