Le Protévangile

La grotte de Bethléem, le bœuf et l'âne

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« Le précoce crépuscule d'hiver commence à étendre ses voiles... »28.3 lorsque Joseph trouve enfin un abri précaire pour y passer la nuit. « Parmi les décombres d'un bâtiment en ruines, il y a un refuge, au-delà duquel se trouve une grotte, un trou dans la montagne plutôt qu'une grotte… »28.4. Beaucoup plus tard, lorsque Jésus revient pour la première fois sur les lieux de sa naissance, Maria Valtorta décrit : « voilà un tas de maisons en ruines, des restes d'habitations… Une antre, entre deux fentes de hautes murailles »73.10. Et Jésus demande aux apôtres qui l'accompagnent : « Entrez. C'est la chambre de la nativité du Roi d'Israël ». « Tu te trompes, Maître ! C'est une puante caverne. Ah ! pour moi, je n'y reste pas, sûrement ! Elle me dégoûte: humide, froide, puante, pleine de scorpions, de serpents, peut-être… ». « Et pourtant, amis : ici, la nuit du 25 du mois d'Encénie179, naquit de la Vierge, Jésus le Christ, l'Emmanuel, le Verbe de Dieu fait chair pour l'amour de l'homme : Moi, qui vous parle »73.10.

L'évangéliste Luc(Lc 2,6-7)ne décrit pas clairement une grotte, mais plutôt une étable, puisqu'il nous dit simplement que Jésus fut « déposé dans une mangeoire ». Mais la tradition chrétienne a toujours évoqué une grotte, ce qui est attesté dès la fin du 1er siècle. Justin de Naplouse écrivait en effet : « L'enfant était né à Bethléem. Comme Joseph n'avait pas où loger dans ce village, il s'installa dans une grotte toute voisine de Bethléem, et tandis qu'ils étaient là, Marie enfanta le Christ et le plaça dans une mangeoire180 ». Origène, au troisième siècle, répète cette tradition qui est rapportée également par l'auteur du Protévangile de Jacques et les autres apocryphes relatant la naissance de Jésus. Après eux, Eusèbe, Théodoret, saint Epiphane, saint Jérôme et bien d'autres encore en ont fait mention. En 326 sainte Hélène fit ériger un temple auprès de cette « caverne », qui ne cessa depuis lors d'être un lieu de pèlerinage : « à Bethléem, la maison du pain, où naquît Jésus, le Pain de la Vie éternelle ».

Maria Valtorta signale la présence d'un âne et d'un bœuf. D'abord, elle rapporte cette remarque de Joseph, qui nous éclaire sur la présence d'un seul âne, tandis que l'on pourrait plutôt s'attendre à ce qu'il y en eut deux, l'un pour Marie, l'autre pour Joseph et pour les bagages : « Je pense que si j'avais trouvé un autre âne, tu aurais pu être plus à ton aise et nous aurions pu aller plus vite. Mais je n'en ai pas trouvé. Tout le monde a besoin de montures, en ce moment »28.1. Quant au bœuf, Maria Valtorta observe : « Marie s'approche du bœuf. Elle a froid. Elle lui met les mains sur le cou pour en sentir la tiédeur. Le bœuf mugit et se laisse faire »28.5. La Vierge rappellera à nouveau cet épisode, en présence des apôtres, lors d'un pèlerinage du groupe apostolique à Bethléem : « Tout, tout comme alors !... Mais alors il faisait nuit... Joseph fit de la lumière à mon entrée. Alors, alors seulement, en descendant de l'âne, je sentis à quel point j'étais fatiguée et gelée... Un bœuf nous salua, j'allai à lui pour sentir un peu de chaleur, pour m'appuyer au foin... »207.5.

En notre siècle incrédule, nul n'ose pourtant vraiment contester la coutume qui consiste à placer dans chacune de nos crèches de Noël un âne et un bœuf... d'autant qu'on peut y voir une réminiscence de la prophétie d'Isaïe(Is 1,3): « Le bœuf reconnaît son bouvier et l'âne la crèche de son maître, Israël ne connaît rien, mon peuple ne comprend rien ».

Mais force est de constater que ces deux animaux ne sont pas mentionnés dans l'évangile de Luc aux côtés des bergers. Pourtant leur présence est considérée comme un fait bien établi par saint Jérôme181, et nombre de sarcophages chrétiens antiques en offrent diverses représentations182. On les retrouve aussi dans l'évangile apocryphe du Pseudo-Matthieu (6e ou 7e siècle). Et c'est, semble-t-il, à saint François d'Assise que l'on doit la tradition de la mise en scène populaire de la naissance du Seigneur dans une crèche, sur de la paille, entre un âne et un bœuf183.

Notes de bas de page

179
Le mois d'Encénie, ou mois des Lumières, c'est-à-dire le mois de Kisleu du calendrier juif. En MV 207.2, Marie confirme aux apôtres : « C'était alors une froide journée de Casleu».

180
Justin martyr, Dialogue avec Tryphon§ 78. Voir aussi Protévangile de Jacqueschap. 48 ; Evangile arabe de l'enfancechap. 2 ; Evangile de la naissance de la Vierge, chap. 13.

181
Selon Baronius AnnalesI,5.2.

182
Voir Arringhi, Roma subterraneat I, p 185 ; 347 ; 349 ; 615) ou Martigny, Dictionnaire des Antiquités chrétiennes1877, p 102.

183
Il fut à l'origine de la première crèche vivante connue, à Noël de l'an 1223, dans le petit village de Greccio dans la vallée de Rieti en Italie.

📚 Source : L'énigme Valtorta par Jean-François LavèreTome 1Tome 2