L'adoration des Mages
Un jour de septembre 29, tandis qu'Il se trouve au sud de Jérusalem, Jésus dit à ses apôtres : « C'est à ce puits de la fontaine de Rogel que séjournèrent, incertains et déçus, les trois Sages d'Orient, car avait disparu ici l'Étoile qui les avait amenés de si loin... »493.3. Matthieu est formel : les mages viennent s'informer auprès d'Hérode, à Jérusalem, avant de se rendre à Bethléem. Et en effet, le puits de En Rogel apparaît comme une halte toute désignée pour une caravane venant de l'Orient et se rendant à Jérusalem. Cette rencontre avec Hérode ne se déroula surement pas en hiver, puisque Flavius Josèphe indique que durant la période hivernale, Hérode se trouvait plus volontiers dans son palais de Jéricho. Et il n'était certes pas non plus mourant, contrairement à ce qui devrait pourtant découler logiquement de la chronologie situant sa mort le 2 ou 3 avril -4.
Après la visite des mages, Hérode, furieux, décide du massacre de « tous les enfants qui étaient à Bethléem et dans tout son territoire, depuis l'âge de deux ans et au-dessous, d'après le temps qu'il connaissait exactement par les mages »(Mt 2,16). C'est donc que les mages avaient à ce moment là une relative incertitude sur l'âge du Messie, et que les phénomènes astronomiques leur étaient apparus depuis plusieurs mois déjà ! La crédibilité de Maria Valtorta s'en trouve ainsi renforcée. Car selon sa chronologie, la visite des mages intervint entre mi-septembre et mi-octobre -4. Jésus « paraît avoir de neuf mois à un an »34.6 remarque-t-elle, puis elle ajoute « Jésus a le pas encore incertain de l'enfant »34.9.
L'Écriture Sainte ne détermine pas plus le nombre des mages, qu'elle ne nomme le (ou les pays) dont ils étaient originaires. Saint Augustin et saint Jean Chrysostome211 supposaient qu'ils étaient au nombre de dix. Mais saint Léon, saint Césaire, Bède, Rupert et après eux une foule d'autres commentateurs furent d'avis qu'ils étaient trois, comme représenté dès le 2e siècle.
D'où venaient ces trois mages ? Ici Maria Valtorta s'écarte un peu de la tradition la plus commune des Pères, qui les donnaient généralement originaires d'Arabie, en extrapolant le témoignage de Matthieu les disant simplement « venus du Levant ». Jésus dicte à Maria Valtorta : « L'étoile les amène du nord, de l'orient et du midi », des
Adoration des Mages. Fresque de la catacombe de Priscille, vers 180.
« Indes lointaines212 », des « chaînes mongoliques » et des « terres où naît le Nil », et plus loin cette autre indication : « Et puis il vint des Mages d'au-delà de l'Euphrate et du Nil »119.1. « Et chacun, des trois points différents de la terre, s'en allait vers cette direction, et ils s'étaient trouvés ensuite ensemble au-delà de la Mer Morte »34.11. Les mages auraient donc parcouru chacun un trajet de plusieurs milliers de kilomètres, nécessitant de quatre à cinq mois, voire plus, pour se rendre à Jérusalem.
Jésus attire aussi notre attention sur trois miracles de Dieu, à l'occasion de ce voyage des mages venus de si loin pour l'adorer : le fait d'avoir été tous les trois guidés par l'étoile vers le même lieu, le fait de s'être rencontrés tous les trois au même moment au bord de la mer morte, et enfin « le don de comprendre et de se faire comprendre, comme au Paradis où l'on parle une seule langue : celle de Dieu »34.11.
C'était l'opinion de saint Augustin, de saint Léon, de saint Thomas d'Aquin ou de Corneille a Lapide que ce fut l'Esprit Saint qui inspira les mages dans leur quête213. Beaucoup plus loin dans l'œuvre Jésus, évoquant les trois sages, confirme : « La recherche de Dieu, parce qu'elle est bonne, donne toujours tous les secours et toutes les hardiesses (...) Elle ne manque jamais l'étoile de Dieu à qui cherche Dieu avec justice et amour (...) l'Étoile les appela par sa clarté, et ils vinrent à la Lumière. Bienheureux ! Bienheureux eux et ceux qui savent les imiter ! »493.3.
Une précision sur l'origine d'un des mages retient notre attention. Maria Valtorta rapporte ce dialogue entre deux pèlerins parlant des mages d'Orient : « L'un d'eux était parent de Salomon... Salomon s'éprit de la reine de Saba parce qu'elle était belle et à cause des présents qu'elle lui avait apportés. Elle en eut un fils qui est de Judée, tout en étant d'au-delà du Nil... »119.1. Ceci concernerait donc le mage que la tradition nomme Melchior. Cette information inattendue semble pourtant avoir un fondement dans les traditions historiques d'Abyssinie, qui racontent le voyage de leur reine Makéda auprès de Salomon214. Au 19e siècle encore, le négus d'Ethiopie, en même temps qu'il portait le nom traditionnel de Ménélik, se faisait gloire de porter dans ses veines le sang de Salomon et de la Reine de Saba, de même qu'il n'hésitait pas à se déclarer de la lignée du roi mage Melchior215. Il paraît pourtant improbable que Maria Valtorta ait pu connaître cette tradition locale.
Matthieu (Mt 2,12) termine ainsi son récit sur l'adoration des mages :« C'est par un autre chemin qu'ils se retirèrent dans leur pays ». Or c'est exactement ce que suggère un passage de l'Évangile tel qu'il m'a été révélé. Abraham, le vieux chef de la synagogue d'Engaddi, se remémore : « Mon garçon me dit : Père, regarde ! Une grande caravane, et des chevaux, et des chameaux, et des serviteurs et des seigneurs, en direction d'Engaddi. Ils viennent peut-être aux sources avant la tombée de la nuit (...) et je vis… Les hommes venaient bien aux sources. Ils descendirent et me virent et ils me demandèrent s'ils pouvaient camper en cet endroit pour une nuit. (...) Nous veillons pour être prêts à fuir, car Hérode nous recherche. D'ici, les sentinelles verront toute la route et il sera facile d'échapper à ceux qui nous recherchent (...) Nous avons adoré le Messie qui est né à Bethléem de Juda et vers lequel nous a guidé l'étoile du Seigneur. Hérode le cherche et donc il nous cherche pour que nous lui indiquions l'endroit où Il se trouve. Et il le cherche pour le tuer »390.5. En consultant une carte, ce trajet paraît vraiment plausible : quittant Bethléem vers le sud, pour s'éloigner au plus vite de Jérusalem, les mages passèrent par Técoa et poursuivirent leur route pour atteindre directement Engaddi, terme d'une étape longue de 35 km environ. Le vieil Abraham se souvient que le passage des Sages à Engaddi eut lieu « après la vendange abondante »390.3, ce qui est pleinement cohérent avec la période de mi-septembre/mi-octobre déterminée précédemment.