La Crucifixion
Maintenant « Le centurion offre à Jésus l'amphore pour qu'il boive la mixture anesthésique du vin myrrhé »609.1. Mais Jésus la refuse (Mc 15, 23). Plusieurs parmi ses pires ennemis, membres du sanhédrin, savourent leur triomphe (Lc 23,35). Les bourreaux tendent aux condamnés des chiffons crasseux pour qu'ils s'en couvrent l'aine. Mais Jean présente à Longin le long voile890 que la Vierge lui a donné. Le centurion accepte, et Jésus l'enroule autour de sa taille « en lui faisant faire plusieurs fois le tour du bassin en le fixant bien pour qu'il ne tombe pas… Et sur le lin baigné seulement jusqu'alors de pleurs, tombent les premières gouttes de sang »609.2. Ces informations inédites nous interpellent : en effet les Archives de l'Oise possèdent un document de 1666 évoquant le voile de Marie vénéré dans l'église Saint-Jacques de Compiègne891. La description de Maria Valtorta comporte au moins quatre indices concordants avec cette précieuse relique : la matière, la couleur, la longueur et les tâches de larmes et de sang ! Il est pourtant fort improbable que Maria Valtorta ait pu avoir connaissance de cette tradition locale.
Jésus est maintenant allongé sur la Croix. La douleur aigüe du premier clou, planté dans son poignet droit lui arrache un cri. « Marie répond au cri de son Fils torturé par un gémissement (...), et elle se courbe, comme brisée, en tenant sa tête dans ses mains »609.5. Le trou prévu pour le bras gauche ne correspond pas au carpe. Les bourreaux « prennent une corde, lient le poignet gauche et tirent jusqu'à déboîter la jointure et arracher les tendons et les muscles »609.5. Le crucifiement au sol, l'écartèlement du bras et l'utilisation de trois clous sont des descriptions communes avec celles de Catherine Emmerich, Marie d'Agreda ou Angèle de Foligno892. C'est aussi ce qu'ont décrit saint Bonaventure et Nicolas de Lyre (1270-1349). Saint Bonaventure et saint Jérôme indiquent que lorsque la croix fut levée, le corps fut « branlant et ça et là893 », exactement comme l'écrit Maria Valtorta. Le temps se fait encore plus orageux : « un nuage noir comme de la poix qui surgit »608.9. C'est là une explication « naturelle » des versets évangéliques : « A partir de midi, il y eut des ténèbres sur tout le pays jusqu'à trois heures » (Mt 27,45 ; Mc 15,33 ; Lc 23,44). Longin aperçoit la douleur atroce de Marie, et il interpelle un de ses hommes : « Si la Mère veut monter avec le fils qui l'accompagne, qu'elle vienne. Accompagne-la et aide-la »609.8. Les synhédristes présents poursuivent leurs blasphèmes (Mt 27,42 ; Mc 15,31-32; Lc 23, 35), tandis que « le larron de gauche continue ses insultes du haut de sa croix »609.11 (Lc 23,39-41).
Le ciel s'assombrit toujours d'avantage, signe d'un passage orageux très dense894. « C'est dans cette lumière crépusculaire et effrayante que Jésus donne Jean à Marie et Marie à Jean »609.15(Jn 19,26-27). Joseph d'Arimathie et Nicodème, porteurs d'un laissez-passer remis par Pilate, obtiennent de s'approcher, provoquant la colère et l'indignation des autres synhédristes présents. « Qui pactise avec le rebelle est un rebelle »609.16, leur lance Eléazar, le fils d'Anna. Peu après Jésus « s'affaisse tout entier vers l'avant et le bas, comme s'il était déjà mort, il n'halète plus, la tête pend inerte en avant »609.18. Marie pousse un cri d'angoisse, tandis que Jeanne de Chouza et Elise s'évanouissent et doivent être raccompagnées chez elles895. Dans un suprême effort Jésus s'exclame : « Éloi, Éloi, lamma scébacténi ! »609.19(Mt 27,48; Mc 15,36; Jn 19,28-30). Quelques minutes passent. Un soldat présente l'éponge au Mourant qui murmure « J'ai soif ! »609.20(Mt 27,48 ; Mc 15,36 ; Jn 19,28-30). « Un silence. Puis nette dans l'obscurité totale la parole : “Tout est accompli !” »609.22(Jn 19,30). Encore un silence, et c'est la dernière prière : « Père, entre tes mains je remets mon esprit ! »609.22(Lc 23,46) puis survient « le “grand cri” dont parlent les Évangiles et qui est la première partie du mot “Maman”… Et plus rien… La tête retombe sur la poitrine, le corps en avant, le frémissement cesse et cesse aussi la respiration. Il a expiré »609.22(Mt 27,50 ; Mc 15,37).
Au même instant l'orage qui menaçait éclate brusquement. La foudre tombe à proximité et de nombreux éclairs sillonnent le ciel tandis que la terre tremble(Mt 27,51). La foule, épouvantée, se disperse alors (Lc 23,48). Tandis que les saintes femmes896 réconfortent Marie qui s'est presque évanouie de douleur, Longin897, d'un coup de lance (Jn 19, 34), s'assure de la mort du Condamné. Son geste accompli, il soupire : « C'est mieux ainsi. Comme à un cavalier, et sans briser les os… c'était vraiment un Juste ! »609.27. Tandis que Joseph et Nicodème courent au Prétoire pour obtenir l'autorisation d'ensevelir Jésus, ils croisent Gamaliel, hagard. Ils l'interrogent : « Mais pourquoi es-tu ici ? Et ainsi ?… »
« Chose terrible ! J'étais dans le Temple ! Le signe ! Le Temple tout ouvert ! Le rideau pourpre et jacinthe898 pend déchiré ! Le Saint des Saints est découvert ! Anathème sur nous ! »609.28. Les deux réalisent alors que le signe tant attendu par Gamaliel vient de se produire : « "Ces pierres frémiront à mes dernières paroles ! " Il le lui avait promis ! »609.28. La ville semble maintenant en proie à la terreur. La secousse tellurique ayant renversé quelques pierres fermant des tombeaux, des rumeurs circulent : « il y avait des gens qui juraient en avoir vu sortir les squelettes qui, pendant un instant, reprenaient une apparence humaine »609.29. Gamaliel, épuisé et terrorisé, se couche au sol devant la Croix, sans s'apercevoir que Jésus est déjà mort. « Le signe ! Le signe ! Dis-moi que tu me pardonnes ! Un gémissement, même un seul gémissement, pour me dire que tu m'entends et me pardonnes »609.30. Mais le décurion899 le détrompe (Mt 27,54) : « Lève-toi et tais-toi. Inutile ! Il fallait y penser avant. Il est mort. Et moi, païen, je te le dis : Celui que vous avez crucifié était réellement le Fils de Dieu ! »609.30.