La Passion et la mort de Jésus

La comparution devant Pilate et Hérode

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Maria Valtorta montre clairement que la comparution devant Pilate se déroula en deux temps. Après un interrogatoire des plus sommaires, Pilate, conscient que Rome n'avait rien à craindre du rabbi galiléen et rien à lui reprocher, l'adresse à Hérode. Il espère surement que celui-ci règle seul la question : « qu'on le conduise à Hérode. Qu'il le juge, c'est son sujet. Je reconnais le droit du Tétrarque et je souscris à l'avance à son verdict »604.24, dit-il en tentant de se dérober à sa responsabilité. Matthieu, Marc et Jean n'ont pas jugé nécessaire d'évoquer la brève comparution devant Hérode, que Luc est donc le seul à rapporter875. Cette rencontre paraît logique et s'inscrit naturellement dans la chronologie. Le fils d'Hérode le Grand mérite aussi bien son surnom d'Antipas (qui signifie comme le père) que son qualificatif de renard(Lc 13,32). D'abord flatté que Rome s'adresse à lui pour juger, il se montre à la fois curieux, cauteleux, railleur, faux et tentateur... Toutefois le silence de Jésus lasse vite le Tétrarque, tandis que ses angoisses superstitieuses endiguent en lui toute velléité de requérir une peine capitale. Sa fourberie lui permet d'esquiver le traquenard conçu par Pilate. Il s'en sort habilement : « Tu es fou. Un vêtement blanc876. Revêtez-le de celui-ci pour que Ponce Pilate sache que le Tétrarque a jugé fou son sujet »604.26.

Pilate se retrouve seul face à son dilemme : soit libérer Jésus et faire face à des troubles probables, soit Le condamner et rétablir ainsi l'ordre dans Jérusalem. Il commence par Le proclamer innocent (Lc 23,13-16), et propose de livrer Barabbas en échange. Quant à Jésus il déclare : « je le ferai frapper par quarante coups de fustigation877. Cela suffit »604.28. Cette proposition n'étant pas du goût des plus enragés, face aux vociférations, Pilate cède peu à peu. « Je vais le faire flageller878 alors ! C'est atroce, savez-vous ? On peut en mourir »604.28. (Mt 27,15-26 ; Mc 15,6-15 ; Lc 23,18-25 ; Jn 18,38-40).

Maria Valtorta décrit Jésus suspendu par les bras879, les pieds ne reposant qu'à peine au sol. Les deux bourreaux utilisent « un fouet fait de sept lanières de cuir, attachées à un manche et qui se terminent par un martelet de plomb880 »604.9. Puis les quelques soldats romains en charge du Prisonnier lui font subir d'autres sévices atroces, jusqu'à ce que Pilate Le présente à nouveau à la foule : « Écoutez, hébreux. L'homme est ici, je l'ai puni. Mais maintenant laissez-le aller. (...) Voilà l'homme. Votre roi. Cela ne suffit pas encore ? »604.32.(Jn 19, 1-16). Maria Valtorta observe alors « le soleil d'une journée accablante, qui maintenant descend presque à pic car on est au milieu entre tierce et sexte881 »604.32. Pilate cède alors aux cris de la foule et surtout aux menaces d'en référer à Tibère : « Vous voulez sa mort, en somme ? Soit ! Mais que le sang de ce juste ne soit pas sur mes mains »604.34. S'étant lavé publiquement les mains, Pilate fait inscrire selon l'usage882 le motif de la condamnation sur un écriteau, le montre au peuple et ordonne : « Qu'il aille à la croix. Soldat, va, prépare la croix »604.35.

Notes de bas de page

875
Quelques exégètes ont supposé que Luc avait reçu ce témoignage de Manaën. Il semblerait plutôt que ce soit de Chouza, puisque Maria Valtorta remarque sa présence dans le palais d'Hérode.

876
La plupart des traductions indiquent « habit éclatant », influencés par Mt 27,31 et Mc 15,20 qui parlent du vêtement pourpre porté par Jésus. Sainte Marie Madeleine de Pazzi (1566 - 1607) vit en extase (Les quarante jours, 20) Jésus devant Hérode : « Ils t'ont considéré comme fou, ils t'ont mis un vêtement blanc pour t'humilier et te déshonorer ». C'est exactement ce que décrit la vision de Maria Valtorta.

877
La fustigation, apparentée à une bastonnade, était une peine applicable aux hommes libres.

878
Horace évoque l'horrible flagellation (Satires 1, 3, 119) « Qui mérite la férule ne doit pas être horriblement déchiré par le fouet » et il confirme qu'elle est parfois fatale : « celui-là a été fouetté jusqu'à la mort » (Satires 1, 2,41). Elle était normalement réservée aux esclaves.

879
Les traces de fouets, sur le Linceul de Turin, sont visibles sur tout le corps sauf les avant-bras. C'est un indice fort que, pendant la flagellation, Jésus avait effectivement les bras attachés au-dessus de la tête, pour L'immobiliser et L'empêcher de tomber.

880
Cette description correspond au flagrum, « le plus terrible des fouets, qui frappait lourdement, écrasait les chairs, rompait les os et couvrait le corps de plaies contuses » (Selon Daremberg Dictionnaire des antiquités grecques et romaines, article Flagellum).

881
Cette observation est parfaitement cohérente avec la chronologie, et avec les indications de Jean (Jn 19,14), celles de Clément de Rome (Const. Apost. l V, c 14 et l VIII c 34) et encore celles de saint Ignace aux Tralliens, ep. 5: « La veille de la fête, à la 3e heure, il entendit prononcer son jugement par Pilate... A la 6e heure il fut mis en croix, à la 9e il rendit l'esprit ».

882
On trouve plusieurs exemples dans Suétone, Tacite et Sénèque de cet usage qui se pratiquait dans tout l'empire. Jamais un coupable n'allait au supplice, sans l'écriteau ou sans le crieur, qui annonçait la cause de sa condamnation.

📚 Source : L'énigme Valtorta par Jean-François LavèreTome 1Tome 2