Les témoins oculaires

Margziam, l'évangélisateur de l'Aquitaine.

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Parmi les si nombreux disciples de Jésus que Maria Valtorta nous fait revivre, impossible de passer sous silence la figure si attachante du jeune Jabé (Yabesh). Peu avant l'âge de 12 ans, il perd tragiquement tous les membres de sa famille, et tente de survivre tout un hiver caché dans les bois. Recueilli par Jésus au début de l'an 28, il reprend peu à peu confiance, devient le fils adoptif de Pierre et Porphyrée, et reçoit de Marie le nom de Margziam en devenant fils de la Loi. Déjà Jésus lui trace prophétiquement son destin : « devenu grand, tu seras un saint de Dieu. Tu prêcheras comme un docteur le Jésus qui t'a rendu une mère ici, et qui ouvrira les portes du Ciel à ta mère morte, à ton père, et qui les ouvrira aussi à toi, quand ce sera ton heure. Tu n'auras même pas besoin de monter la longue échelle des Cieux à l'heure de la mort. Tu l'auras déjà montée durant ta vie en étant un bon disciple »194.2.Très réceptif à l'enseignement donné par Jésus, il est même l'un des premiers auxquels Jésus révèle sa future Passion pour qu'il ne se révolte pas devant cette nouvelle épreuve : « Moi… Fais-moi mourir à ta place ». « Tu dois me prêcher dans le monde entier. C'est dit. Mais écoute. Je mourrai content parce que je sais que tu m'aimes. Et puis je ressusciterai (...) et je viendrai tout de suite vers toi et je te dirai : Petit Margziam, tes pleurs m'ont enlevé la soif. Ton amour m'a tenu compagnie au tombeau. Maintenant je viens te dire : Sois mon prêtre »291.5.Il devient vite un exemple pour tous, et Jésus déclare : « Tu es le chef des enfants disciples. Quand tu seras tout à fait homme, rappelle-toi que tu as su être un disciple qui n'est pas inférieur aux hommes, et par conséquent ouvre les bras à tous les enfants qui viendront à toi en me cherchant et en disant : "Je veux être disciple du Christ" »308.5. Alors que Margziam encourage la nouvelle disciple Anastasica, Jésus fait cette nouvelle prédiction difficile à apprécier alors :

« Margziam sait se faire à tous. C'est une vertu difficile et si nécessaire pour sa future mission. Je prends soin de faire grandir en lui cette heureuse disposition parce qu'elle lui servira beaucoup »366.2. Mais il faut attendre la fin de l'œuvre pour que ces paroles s'éclairent, plusieurs milliers de pages plus loin, alors que le Christ ressuscité lui confie cette mission : « Et toi, Margziam, mon enfant, et qui dorénavant prends le nom de Martial... ce nom, ô Martial, t'indique ton futur destin : sois apôtre en des terres barbares et conquiers-les à ton Seigneur »638.20. Les nombreux détails donnés par Maria Valtorta sur le futur saint Martial méritent qu'on en passe quelques uns en revue.

Son lieu de naissance

Maria Valtorta place l'origine de Margziam entre Siloh et Béthel, au nord du territoire de Benjamin194.1-2. C'est exactement ce qu'indique un poème de Fortunat199, ode à saint Martial, dont il existe trois manuscrits très anciens200 . Au 16e siècle A Thévet, aumônier de C de Médicis, indique même201 qu'à trois lieues de Rama202, au village d'Arouha, on voit une vieille église restaurée sur ordre de Charlemagne en 810, en l'honneur de Saint Martial, « natif de ce lieu ». Comment Maria Valtorta aurait-elle pu avoir connaissance de ces informations figurant sur des documents français anciens et fort rares ?

Son bizarre nom de Margziam

Ce curieux nom, donné au petit Jabé par la Vierge Marie, donne lieu à quelques commentaires dans l'œuvre : « Un Oui, Jabé veut un nom qui signifie que je l'ai sauvé. Tu le chercheras, Mère. Un nom d'amour et de salut ».

Marie réfléchit... et puis elle dit : Marjiam (Maarhgziam). Ce nom, outre le Salut, rappelle aussi mon souvenir. Tu es la petite goutte dans la mer203 de ceux qui sont sauvés par Jésus. Il te plaît ? Ce nom, outre le Salut, rappelle aussi mon souvenir ». « Il est très beau dit l'enfant tout content ». « Mais, n'est-ce pas un nom de femme ? demande Barthélémy ». « Avec un "L" au bout au lieu d'un "m", quand cette petite goutte d'humanité sera adulte, vous pourrez changer son nom en nom d'homme. Maintenant il porte le nom que lui a donné la Mère. N'est-ce pas ? »198.8.

Puis plus loin : « Comment t'appelles-tu ? » « Margziam ». « Ah! Bon ! Mais ma Marie bénie pouvait te donner un nom plus facile ! » « C'est presque le sien ! s'exclame Salomé ». « Oui, mais le sien est plus simple. Il n'y a pas ces trois consonnes au milieu... Trois, cela fait trop ». « L'Iscariote est entré et dit : Elle a pris le nom exact pour ce qu'il veut dire, conforme à l'ancienne langue »199.2

Ces conversations mériteraient certainement d'être étudiées par des linguistes. Mariam serait semble-t-il la vocalisation araméenne de l'hébreu Myriam, tandis que Mar-yam en serait la variante chaldéenne204? Mais tout cela sort de mon domaine de compétence !

Le fils adoptif de Pierre

Il ne semble pas qu'il existe des traditions mentionnant Martial comme étant le fils adoptif de Pierre. Par contre le fait qu'il ait été contemporain de Pierre et qu'il l'ait suivi de Jérusalem à Antioche puis à Rome est maintenant historiquement attesté205.

Le jeune garçon de la multiplication des pains

Adémar de Chabannes, moine de l'abbaye St Martial de Limoges (Vita prolixior au 9e siècle) l'identifie avec le jeune enfant qui offrit les pains et les poissons à Jésus pour leur multiplication. Le texte de Maria Valtorta confirme cette tradition, montrant même que Martial fut le premier à croire au miracle : « Oh ! comme c'est lourd ! dit Margziam en soulevant son panier et en allant tout de suite vers ses petits amis. Il marche comme s'il portait un fardeau. Les apôtres, les disciples, Manaën, le scribe le regardent partir ne sachant que penser »273.4.

Sa mission d'évangélisateur

Dans L'Eglise métropolitaine primatiale St André de Bordeaux206, le Chanoine Hierosme Lopès indique que le jeune Martial s'attacha aux pas de Saint Pierre qu'il suivit à Antioche, puis à Rome. De Rome, Pierre l'envoya prêcher en Gaule. Mgr Cirot de la Ville a même pu établir une carte de l'itinéraire de Saint Martial : Rome, Ravenne, Marseille, Bourges, Tours, Limoges, Angoulême, Saintes, Noviomagus (capitale du Médoc). Déclaré « apôtre de l'Aquitaine » par le limousin Pierre Roger207 (1291-1352) Martial était considéré au Moyen Âge comme le premier évangélisateur de Limoges208, Toulouse et Bordeaux209. Fondateur de la cathédrale Saint-Étienne, voire le premier évêque de Toulouse, des traditions immémoriales en faisant remonter leur origine aux temps apostoliques. Dans cette évangélisation, il est intimement associé à sainte Véronique et à Zachée (St Amadour).

Notes de bas de page

199
Venance Fortunat (530-609) Evêque de Poitiers vers 600.

200
Outre qu'il confirme Martial contemporain de Pierre, le texte précise « Benjamita tribus te gessit » (La tribu de Benjamin te vit naître).

201
Frère André Thévet (1516-1590), Cosmographie Universelle 1575 (livre VI Chap. VII page 169).

202
Trois lieues, c'est environ 15 km, ce qui situe l'emplacement à mi-distance entre Siloh et Béthel.

203
Cette explication étymologique par l'hébreu mar yam = goutte de la mer, « affirmée » par ce dialogue, est pourtant considérée par certains comme « purement poétique ».

204
Voir par exemple docteur Sepp, Jésus-Christ Etudes sur sa vie et sa doctrine, 1866 page 19.

205
Voir en particulier les études très documentées de l'Abbé Arbellot, Dissertation sur l'apostolat de Saint Martial 1855; de Mgr Cirot de la Ville, Origines chrétiennes de Bordeaux 1867; de l'abbé Gordière Recherches sur la prédication de l'Evangile dans les Gaules au premier siècle, 1867, en particulier les pages 14 et 15; ou encore de l'abbé Corblet, Dissertation sur les origines de la foi chrétienne dans les Gaules, qui en 16 pages (diffusées par les Petits Bollandistes) résume bien la situation.

206
Réédition par l'abbé Gallen, chez Feret et fils, 1882 (p. 109), de l'ouvrage original édité chez Lacourt en 1668.

207
Pape sous le nom de Clément VI (1342-1352). Sa bulle « Piam Sanctorum memoriam recolendam » fait l'éloge de saint Martial, témoigne de sa particulière dévotion à l'apôtre et ordonne que sa fête soit mise au rang des doubles comme celles des autres apôtres, et célébrée dans toute l'Aquitaine.

208
C'est seulement à partir du 17esiècle que le chanoine Descordes, Jean de Launoy (1603-1678) (que le pape Benoît XIV désigna comme « menteur impudent et écrivain méprisable »), et quelques autres « lumières » attaquèrent les traditions et affirmèrent que l'origine des principales églises de France ne remontait pas au-delà de la seconde moitié du 3esiècle. Bien que loin d'être prouvée, cette hypothèse s'imposa alors dans les milieux dits intellectuels.

209
La découverte en 1955 de « symboles chrétiens » (l'ascia) datant du 2esiècle sur des tombes proches de l'église dédiée à St Etienne, à Bordeaux, confirme archéologiquement l'ancienneté de ce lieu de culte.

📚 Source : L'énigme Valtorta par Jean-François LavèreTome 1Tome 2